Interview Pr. Jean-Pierre Sauvage, Prix Nobel de Chimie 2016

Quelles compétences développent les docteurs durant leur parcours professionnel? Certaines sont-elles intrinsèques à tous les docteurs? Le Pr. Jean-Pierre Sauvage nous donne son point de vue dans une interview exclusive accordée à Science me Up!

Pouvez-vous identifier en un mot, la principale compétence acquise par un doctorant au cours de sa formation ?

Je décrirais la première année comme une phase d’apprentissage. La deuxième année se concentre plus sur l’ouverture et la troisième année sur la créativité.

Quelles sont selon vous les compétences intrinsèques de tout docteur ?

Les compétences que développent les jeunes docteurs durant leur thèse dépendent bien évidemment du contexte dans lequel ils évoluent, du domaine dans lequel ils exercent ou tout simplement en fonction des gens et des caractères.

Cependant, on retrouve une compétence commune chez tous les jeunes docteurs : la résistance à l’échec.  Ce sont des personnes qui après thèse sont habituées à être confrontées à l’échec, qui savent remettre en question leurs idées et leurs travaux et qui sont très bien formées pour le mettre en défaut.  Cette capacité leur permet de surmonter les obstacles et de développer en parallèle une compétence supplémentaire : la résolution de problèmes complexes.  
C’est une qualité très importante, aussi bien dans le public que dans le privé.

Y-a-t-il des compétences que vous avez dû développer par vous-même après votre doctorat pour mener votre carrière professionnelle ?

Oui bien sûr, des tas ! Il y a une grande distance entre la fin de thèse et le moment où l’on démarre une équipe de recherche.

Quand je suis devenu directeur de recherche, j’ai dû acquérir de nouvelles compétences mais j’ai aussi compris que certaines ne s’apprenaient pas forcément.
Il y a une qualité qui me paraît absolument essentielle quand on gère une équipe – qu’un jeune chercheur n’a pas nécessairement en sortant de sa thèse – c’est une grande ouverture et une grande curiosité scientifique. Plus on aura tendance à s’ouvrir plus on aura de chances d’être créatif en équipe.

Après l’obtention d’un prix Nobel, de nouvelles compétences professionnelles font elles leur apparition ? De nouvelles fonctions qui nécessitent de nouvelles compétences ? 

Oui j’ai dû apprendre à faire de la médiation scientifique. Disons que c’est une compétence que je n’avais pas. Je n’avais pas l’habitude de parler à des gens qui n’ont pas de culture scientifique ou très peu. Il faut s’adapter. S’adapter est aussi une notion clé dans les compétences que développent inévitablement les docteurs.

Selon vous, quels modules de formation pourrait-on ajouter au parcours de formation doctoral ?

Apporter une formation aux doctorants qui va les aider à appréhender le monde du privé, je trouve que c’est une question importante. Il faudrait développer des groupes de paroles sur ces sujets afin de leur faire connaître le monde privé et de s’en rapprocher. Je crois savoir que des universités commencent à le développer en travaillant beaucoup leurs relations avec le privé, en invitant des industriels, afin de se faire connaître auprès des entreprises et, dans l’autre sens, de familiariser les étudiants avec le monde du privé. C’est peut-être quelque chose que l’université ne fait pas assez.